La situation des enfants des rues à Madagascar en questions ?

27.04.24 | Centre de Ressources

À Madagascar, entre 200 000 et 300 000 enfants vivent dans les rues, confrontés à des conditions de vie précaires et à des défis constants.

Issus de milieux défavorisés, ces jeunes sont contraints de trouver refuge dans les rues pour échapper à des situations familiales difficiles. Leurs histoires individuelles sont marquées par des traumatismes profonds, les poussant à affronter un environnement hostile où la violence physique et psychologique est monnaie courante.

Dans cet article, nous répondrons aux questions fréquemment posées pour mieux comprendre la situation des enfants des rues à Madagascar.

Combien y a-t-il d’enfants des rues à Madagascar ?

Selon les estimations, il y a environ 200 000 à 300 000 enfants des rues à Madagascar. Ces chiffres sont alarmants et soulignent l’ampleur du problème.

D’où viennent-ils ?

Les enfants des rues proviennent souvent de familles pauvres, de milieux défavorisés ou sont des enfants abandonnés. La pauvreté, les conflits familiaux, les décès des parents et d’autres facteurs contribuent à cette réalité tragique.

Les enfants des rues en rupture familiale

D’après notre expérience, ainsi que celle du Samusocial International et d’autres associations, la principale raison du départ de l’enfant est la présence de problèmes au sein de sa famille. Ces problèmes peuvent inclure des expériences traumatiques de différentes natures :

  • Abandon, décès brutal
  • Excès tels que violences physiques ou verbales
  • Négligence
  • Sentiment d’injustice, par exemple, si un enfant issu d’un précédent mariage ressent des traitements différents des autres membres de la famille.

 

Ces traumatismes ont un impact significatif sur le jeune, le poussant à fuir sa famille car il ne s’y sent plus en sécurité. Pour beaucoup, la rue devient alors la seule alternative pour protéger leur santé physique et morale. Il est important de noter que pour la majorité d’entre eux, partir dans la rue n’est pas un choix, mais une nécessité vitale.

 

Chaque enfant a son histoire. Écoutons-les…

« J’ai commencé à dormir dans la rue juste après l’enterrement de mon père. Je suis parti parce que ma mère ne m’aime pas. Le jour où je suis parti, j’ai mendié puis je ne suis plus retourné chez moi. » – Hery*, 14 ans, Antsirabe, Madagascar

 

« Ma mère est toujours ivre, elle m’attache sur le lit et me frappe avec un fil. Elle me frappe souvent. Elle m’a battu ce midi en public et m’a écrasé la main avec son pied, car je ne veux pas mendier pour elle. Le président du fokontany (mairie de quartier) l’a battue en retour et lui a dit que si elle me frappe encore, c’est tous les gens autour qui viendront pour la frapper. » – Vola*, 10 ans, Antsirabe, Madagascar

(*Les prénoms ont été modifiés pour des raisons d’anonymat)

Dans quelles conditions vivent les enfants des rues à Madagascar ?

Les enfants des rues vivent dans des conditions extrêmement précaires. Ils dorment souvent dans des endroits insalubres tels que des trottoirs, sous les ponts (très pollués) ou des bâtiments abandonnés. L’accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins de santé est limité, ce qui les expose à divers dangers pour leur santé et leur bien-être.

Comment font-ils pour survivre face à la violence de la rue ?

La rue est un environnement violent, où les enfants font face à des violences physiques, aussi bien entre eux que de la part de la population environnante (gargotiers, tireurs de pousse-pousse, commerçants…) ou même des forces de l’ordre. Mais ils subissent également des violences psychologiques au quotidien : perçus comme des délinquants, ils sont stigmatisés ou tout simplement ignorés.

Avant, je travaillais dans une gargote où le patron me rabaissait et m’insultait. J’ai décidé de changer de travail.” – Ely*, 15 ans, Antsirabe, Madagascar.

Pour assurer leur sécurité et leur survie, les enfants doivent s’adapter progressivement à cet environnement hostile. Ils développent des stratégies telles que choisir un territoire où ils peuvent gagner de l’argent et dormir en relative sécurité, souvent près des marchés, et intégrer ou former un groupe qui contribuera à leur protection, leur socialisation et leur identité.

“Je dors à côté de mon travail, je me lève le matin, je range tout de suite mes affaires et je peux aller directement travailler” – Zaka*, 15 ans, Antsirabe, Madagascar.

C’est quoi, le “processus de désociabilisation” des enfants des rues ?

Cette adaptation au mode de vie de la rue se fait au prix d’une perte des repères sociaux ordinaires, que le Samusocial International qualifie de « processus de désocialisation« . En effet, les enfants perdent la notion du temps (dérèglement de l’horloge biologique), leur rapport à l’espace est altéré (peur des endroits inconnus), leur perception des autres est modifiée (peur des personnes étrangères à la rue), et même leur rapport à eux-mêmes est affecté (désappropriation du corps, certains ne ressentant plus la douleur). 

 

Tous les enfants des rues sont confrontés à ces défis, mais le processus de désocialisation varie d’un individu à l’autre : il peut être plus ou moins marqué, plus ou moins rapide. Chaque cas est différent et nécessite une prise en charge adaptée.

Comment sont-ils perçus par la société ?

Les regards portés par la société malgache et les autorités locales sur les enfants des rues sont empreints de nuances. 

Dans certains cas, ces enfants suscitent de la compassion, étant perçus comme des victimes de circonstances difficiles. Les campagnes de sensibilisation et les actions visant à leur venir en aide contribuent à cette perception positive.

Toutefois, des stéréotypes négatifs entourent également les enfants des rues, les présentant parfois comme des délinquants, des marginaux ou des perturbateurs potentiels de l’ordre public. Ces préjugés peuvent découler d’une méconnaissance de leur réalité, de l’appréhension face à l’insécurité ou de représentations sociales préétablies.

En outre, certains membres de la société peuvent adopter une attitude d’indifférence envers les enfants des rues, les considérant comme une réalité inévitable ou comme des individus responsables de leur propre sort. 

Cette attitude peut être le résultat d’une lassitude face à un problème social persistant ou d’une perception erronée selon laquelle les ressources devraient être allouées à d’autres priorités. Les jeunes sont également affectés par cette indifférence à leur égard. Cette forme de violence est la plus insidieuse et a les effets les plus pervers et destructeurs à long terme.

Les enfants qui traînent dans la rue dorment-ils tous dehors ?

Il existe 3 catégories d’enfants des rues, chacune représentant une problématique différente :

  • Les enfants de la rue :
    • Travaillent ou mendient toute la journée dans la rue.
    • Dorment à l’extérieur.
    • Sont partiellement ou totalement en rupture avec leur famille.
    • Les enfants à la rue :
      • En fugue plus ou moins longue.
      • Se trouvent dans une situation transitoire.
      • Les enfants dans la rue :
        • Travaillent ou mendient la journée dans la rue.
        • Rentrent chez eux le soir.
        • N’ont pas de rupture familiale.
        • Contribuent à l’économie familiale.

      Remarque : Il y a davantage d’enfants dans la rue que d’enfants de la rue. La frontière entre les deux catégories reste néanmoins floue.

      Les enfants des rues travaillent-ils ?

      Beaucoup d’enfants des rues sont contraints de travailler pour survivre. Ils peuvent mendier dans les rues, effectuer des petits travaux informels (porter les sacs sur les marchés, travailler pour des gargotes) ou parfois se livrer à des activités illégales pour gagner de l’argent. 

      Certains enfants ayant leur famille à la campagne rejoignent la ville pour aller travailler sur des marchés. 

      Vont-ils à l’école ?

      Pour la plupart, l’accès à l’éducation est limité, voire inexistant. Les enfants des rues sont souvent exclus du système éducatif formel, ce qui compromet leurs chances d’avoir un avenir meilleur. Ils doivent souvent travailler ou mendier pour pouvoir manger. Aller à l’école et avoir le ventre vide n’est pas une option. 

      La scolarisation des enfants des rues est-elle la clé ?

      D’après notre expérience sur le terrain, un enfant vivant dans la rue, de jour comme de nuit, a avant tout besoin de se reconstruire, de retrouver son estime de soi et de rétablir sa confiance en autrui. La rue constitue un univers à part entière avec ses propres règles. L’école peut représenter une source d’angoisse et ne pas convenir à un enfant de la rue en raison de son rythme, de ses règles, de ses horaires, de ses devoirs et de la présence d’adultes…

       

      Néanmoins, l’éducation demeure essentielle pour intégrer les enfants dans notre société et leur permettre d’y jouer un rôle actif. Il est donc crucial de prendre le temps d’accompagner l’enfant pas à pas : un retour trop soudain et contraint risque de l’éloigner définitivement des bancs de l’école. C’est pourquoi notre association locale propose des cours d’éducation alternative, adaptés aux besoins et aux réalités des enfants vivant dans la rue.

      Qui sont les “enfants fantômes” ?

      Les « enfants fantômes » sont des enfants qui n’ont jamais été enregistrés à l’état civil, ce qui signifie qu’ils n’ont aucune existence légale officielle. Ces enfants ne sont pas enregistrés à la naissance, souvent en raison de facteurs tels que la pauvreté, les barrières géographiques, l’ignorance des parents sur l’importance de l’enregistrement des naissances ou les conflits.

       

      En l’absence d’un certificat de naissance, ces enfants sont souvent privés de l’accès aux services de base tels que l’éducation, les soins de santé et la protection de l’enfance. Ils sont également vulnérables à l’exploitation, à l’abus et à la traite des êtres humains, car ils n’ont pas de documentation légale pour prouver leur identité et leur âge.

       

      Les enfants fantômes représentent une réalité souvent négligée mais grave dans de nombreux pays en développement, y compris à Madagascar. Ils sont invisibles aux yeux de la loi et de la société, et leur absence d’existence légale les laisse dans une situation de vulnérabilité extrême.

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