Accompagnement social des enfants des rues : objectif réinsertion

18.06.20 | Centre de Ressources, Grandir à Antsirabe

Notre partenaire local Grandir à Antsirabe agit auprès des enfants des rues à Madagascar, et le cheminement pour accompagner les bénéficiaires vers la sortie de rue est un processus par étape. L’équipe éducative doit d’abord construire un lien de confiance. Une fois ce lien établit, les enfants qui se sentent prêts  peuvent être accueillis au Centre d’Hébergement Temporaire (CHT). Mais comme son nom l’indique, l’accueil n’a pas vocation à être permanente. Le passage des jeunes aux CHT doit être un tremplin, l’occasion de repartir sur de bonnes bases. C’est tout l’enjeu du travail du pôle Accompagnement Social : recréer du lien avec la famille pour permettre une réinsertion durable. 

Les situations de rues, l’aboutissement d’une « non-insertion »

Contrairement à une idée répandue, la grande majorité des enfants des rues ne sont pas orphelins. Ils ont une mère, un père, parfois une belle-mère et un beau-père, des frères et des sœurs. En 2019, seuls 2% des enfants accueillis à l’association n’avaient plus de parent. Si la cellule familiale existe, elle peut toutefois être à l’origine de certains traumatismes

Si l’enfant quitte sa famille c’est d’abord parce qu’il ne s’y sentait pas bien. Plusieurs facteurs sont susceptibles de causer ce mal être.

Au sein de la cellule familiale, de nombreux excès peuvent avoir lieu. Les violences physiques et morales, d’abord, sont souvent le résultat de la consommation excessive de substances psychoactives par les parents. Le contexte de misère sociale qui règne à Madagascar conduit en effet de nombreuses personnes à « gérer » les problèmes économiques et sociaux par l’altération de leur conscience, source de violences.

« La plupart des enfants arrivent dans la rue à cause de problèmes familiaux. »

Felana

pôle Accompagnement Social

Lorsque l’enfant subit ces violences, il peut d’abord quitter son logement en journée seulement. Puis par la création de liens sociaux avec d’autres enfants de la rue, cette situation peut devenir définitive. C’est là que l’enfant devient un « enfant des rues » (pour plus de détails terminologiques, consulter nos clés de compréhension). 

Le départ de l’enfant peut également être le fruit de négligence ou d’un sentiment d’injustice. Il a alors l’impression de ne plus avoir sa place au sein du foyer. La fuite devient alors très probable. La rue est donc perçue comme un refuge au sein duquel l’enfant sera davantage intégré. 

Le départ de la cellule familiale est donc l’aboutissement d’un processus de « non-insertion ». Un accompagnement social visant à la réinsertion familiale est donc requis. 

AS, Visite à domicile

La cellule familiale, un facteur essentiel de développement pour l’enfant

Le droit d’avoir une vie familiale normale est énoncé par la Convention Internationale des droits de l’enfant. Cette consécration n’est pas anodine et résulte de l’importance du foyer familial dans la construction identitaire de l’enfant. 

La cellule familiale sert d’abord à protéger l’enfant. Cette protection est physique, mais également émotionnelle (protection contre le stress, les émotions) et sociale (contrôle des fréquentations de l’enfant). Cette sécurité doit ainsi permettre à l’individu de se développer sereinement et profiter pleinement de sa situation d’enfant. 

La famille sert également à la structuration psychique. D’un point de vue émotionnel, cette structuration vise à apprendre à réagir à une situation donnée. Elle est aussi corporelle, cognitive et sociale. 

Enfin, le foyer familial permet l’autonomisation de l’enfant. Il y apprend à penser par lui-même, à entretenir des relations sociales et à assumer ses propres envies. 

L’accompagnement social, un travail de terrain auprès des familles

Si le CHT a vocation à protéger les enfants à court terme, le programme d’Accompagnement Social permet l’amélioration de leur situation à long terme. 

Pour tenter de réaliser ce travail délicat, l’équipe du pôle « Accompagnement Social » de Grandir à Antsirabe multiplie les enquêtes et les entretiens

Les enfants accueillis au CHT sont ainsi invités à raconter leur histoire et à expliquer les raisons de leur situation. 

« Il est très important de gagner la confiance de l’enfant pour qu’il puisse faire sortir ce qu’il a sur le cœur. »

Felana

pôle Accompagnement Social

Lorsque suffisamment d’informations ont été récoltées, et si le problème est familial, alors les membres de la famille sont invités à s’entretenir avec les professionnels de l’association. Cet entretien a pour objectif de clarifier la situation de l’enfant mais aussi d’échanger avec les parents sur les raisons du départ et les solutions qui peuvent permettre d’y remédier. 

Lorsque la famille s’inscrit dans une logique de collaboration, les éducateurs de Grandir à Antsirabe effectuent des visites à domicile. Elles permettent d’avoir un aperçu de l’environnement dans lequel l’enfant évoluait ou évolue à nouveau si la réinsertion a été entamée. 

20200117 - projet agriculture biologique Madagascar

« Les visites à domicile se font après un entretien avec l’enfant. C’est suite à cet entretien qu’on constate les vrais problèmes. Quand on creuse un peu on en découvre pleins. Lorsqu’on parle avec les parents, on essaye d’être diplomatiques.« 

Felana

pôle Accompagnement Social

« Le plus gros problème que nous rencontrons est qu’il est difficile de travailler avec les parents. Parfois ils acceptent les mesures proposées mais ne les appliquent pas. La plupart des parents veulent que leurs enfants restent ici.« 

Hanta

pôle Accompagnement Social

Malheureusement le travail auprès des parents est souvent rendu difficile par la situation dans laquelle ils se trouvent. Les familles concernées sont touchées par l’extrême pauvreté. Cette vulnérabilité conduit beaucoup d’adultes à consommer des substances psychoactives (alcool, drogue, etc…) qui conduisent à l’altération du lien parent-enfant. En outre, l’enfant représente une charge financière pour la famille qui n’est pas toujours en mesure de l’assumer. Dans ce cas l’association peut proposer des aides afin d’assurer l’équilibre alimentaire et/ou scolaire du jeune concerné. Toutefois il arrive que la démarche de certaines familles ne soit pas totalement désintéressée : la perspective d’une aide financière est souvent très attractive mais n’a pas pour effet de changer sincèrement le regard du parent sur l’enfant.

Réinsertion et Covid-19 

Lors de la crise sanitaire qui a touché l’Île Rouge, les enfants accueillis au CHT ont dû être redirigés vers leur famille. Les mesures gouvernementales empêchent en effet l’accueil au sein du Centre d’Héberment Temporaire. Ce retour peut être délicat pour les raisons déjà évoquées (alcoolisme, pauvreté…). Grandir à Antsirabe s’engage donc pour tenter de maximiser les chances de réinsertion familiale.

La distribution régulière de produits de première nécessité (savon, riz, huile, etc…) est assurée par les éducateurs de l’association.

Cela permet de garantir la sécurité alimentaire et sanitaire des enfants bénéficiaires. Aussi, cette mesure limite la charge financière que représente l’enfant pour sa famille : c’est un élément bénéfique pour maintenir de bonnes relations. 

« On assure toutes les collaborations avec d’autres structures. Par exemple on a pu collaborer avec Aromathérapie Sans Frontières pour que les enfants reçoivent des soins gratuits.« 

Felana

pôle Accompagnement Social

Les équipes de Grandir à Antsirabe effectuent également des visites à domicile. Ces moments d’échange permettent de s’assurer que l’enfant n’est pas maltraité et que sa famille s’en occupe convenablement. Des actions de sensibilisation sont également mises en place. Les éducateurs expliquent ainsi l’importance des gestes barrières et d’une bonne hygiène.

« On prépare les vivres répartis dans tous les sacs (un sac par enfant), avec parfois des vêtements et des brosses à dents. Ensuite les éducateurs organisent des plans de route avec 3 éducateurs par famille. En arrivant, avant de transmettre les produits de première nécessité, les équipes engagent la conversation et tentent d’approfondir la situation : ils insistent sur les gestes barrières et interrogent la famille l’organisation mise en place. Certains enfants demandent des livres pour continuer à étudier. Enfin, les éducateurs continuent d’approfondir les raisons de la situation de rue. 

Aujourd’hui j’ai eu une situation particulière : une mère demandait à ses enfants d’aller faire la manche à Antsenakely (le petit marché). L’association va donc retourner voir la mère pour la confronter à cette pratique, avec à la clé une possible suspension des aides.« 

Armonie

volontaire en service civique auprès du Programme de Protection des Enfants des Rues

AS, Visite à domicile
20200117 - projet agriculture biologique Madagascar

Comment faire en cas de réinsertion impossible ? 

Lorsqu’après plusieurs tentatives il devient clair que la réinsertion familiale n’est pas possible, diverses solutions existent. 

Les équipes de l’Accompagnement Social sont en contact avec d’autres organismes sociaux. Elles peuvent donc rediriger l’enfant vers des structures qui accueillent les jeunes de façon permanente. Toutefois même dans ces situations, la relation familiale n’est pas complètement rompue. Des rencontres sont par exemple organisées les week-end ou pendant les vacances. 

 » Récemment, une mère avait une maladie l’empêchant de nourrir sa famille et le beau-père était violent. On a dû orienter l’enfant vers une association partenaire.« 

Hanta

pôle Accompagnement Social

Cette collaboration avec d’autres structures fait donc pleinement partie du travail des équipes. C’est un enjeu de complémentarité de l’action sociale à Antsirabe. 

Chaque enfant est unique, chaque prise en charge doit être individualisée

Chaque cas est différent : l’équipe du pôle Accompagnement Social doit donc prendre en considération la situation particulière de chaque enfant. Diverses solutions existent mais la priorité reste la réinsertion familiale. Elle est l’aboutissement d’un long travail impliquant des entretiens, des visites et des études de dossiers. 

Lorsqu’elle n’est pas possible la collaboration entre les organisations sociales permet de trouver d’autres solutions. En fonction de l’âge de l’individu, il sera hébergé dans un internat et ses frais de scolarité seront pris en charge. Lorsqu’il est suffisamment âgé pour apprendre un métier, l’association peut l’aider à trouver une formation professionnelle puis un emploi !  

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