Raconté en septembre 2020 par Gauthier Thonin, volontaire Service Civique.
« Antsirabe, 10h. Il fait très beau aujourd’hui, mais un petit vent vient rafraîchir l’atmosphère. J’enfile ma veste, je saisis mon carnet et mon stylo. Me voilà parti pour trois visites à domicile aux côté d’Hanta et Felana, toutes deux membres du pôle accompagnement social de Grandir à Antsirabe.
Mais déjà, qu’est-ce qu’une visite à domicile ? C’est simple : tout est dans le nom ! Il s’agit d’aller rendre visite aux familles des enfants bénéficiaires de l’association pour faire le point sur leur situation et évoquer d’éventuels problèmes.
Hery, futur papa
Après avoir marché une dizaine de minutes nous arrivons chez la mère de Hery*, un jeune bénéficiaire de l’association de17 ans. Ses frères et sœur sont devant la maisonnette ; certains jouent avec une poupée, d’autres cuisinent. Hanta engage tranquillement la discussion : « Salama ve ? Inona ny vaovao ? » (Comment ça va ? Quoi de neuf ?). Elle lui explique ma présence aujourd’hui, ça ne semble pas la déranger. Après quelques banalités, elle entre dans le vif du sujet.
La petite amie de Hery, orpheline, est enceinte. Il a donc fallu expliquer la situation à la famille du jeune homme. Après quelques minutes de conversation, la mère semble accepter la nouvelle et s’engage à accueillir l’enfant à naître dans son foyer en cas de besoin. C’est une bonne nouvelle : l’enfant ne se retrouvera pas à la rue. D’ailleurs, le jeune homme prévoit de construire une petite maison en bois grâce aux économies qu’il a pu constituer… Un bon point de départ pour cette future jeune famille !
Felana lui demande enfin de signer une décharge qui vise à protéger l’association. La signature implique que la mère reconnaît que Grandir à Antsirabe n’est pas responsable des actes commis par Hery lorsqu’il n’est pas dans les locaux de l’association. Cet acte formel renforce la conscience des parents en matière de responsabilité vis-à-vis de leur enfant.

Mamy, future écolière
Après avoir traversé une longue allée de cactus, nous arrivons devant une petite maison isolée : c’est là qu’habite Mamy*. Dès notre arrivée, ses frères et sœurs viennent à notre rencontre. Ils vont chercher leur petite sœur qui est restée à l’intérieur.
Elle nous raconte que tout se passe bien mais que sa mère n’est pas là. Celle-ci serait partie à Antananarivo (la capitale malgache) pour se marier et ce serait son 3e ou 4e mari. Si la situation ne semble pas perturber l’enfant, elle inquiète Hanta et Felana… Que vont devenir les jeunes si leur mère ne vit plus avec eux ? Seront-ils en mesure de gérer seuls la maison ? Qui sera responsable ? Bref, une affaire à suivre de près.
Les équipes abordent un autre sujet : celui de la scolarisation. Mamy avait en effet émis le souhait d’aller à l’école. Hanta lui demande si c’est toujours d’actualité et elle répond que oui. L’association pourra donc prendre en charge ses frais de scolarisation pour la rentrée à venir ! C’est donc une année studieuse qui devrait s’engager pour Mamy.
Nous revoilà en route pour une dernière visite.

Lova, futur menuisier
Cette fois-ci, nous nous dirigeons vers le marché aux zébus. La famille de Lova* habite en effet juste à côté ! Nous rencontrons sa mère. Un nouvel échange s’engage puis nous abordons la situation du jeune homme. C’est très positif : il effectue un stage rémunéré chez un menuisier et son patron est apparemment très satisfait ! L’association lui demande d’épargner ¼ de son salaire. L’argent est conservé dans une tirelire au sein des locaux de Grandir à Antsirabe et l’objectif est de pouvoir lui ouvrir un compte en banque dès qu’il aura 18 ans.
Hanta et Felana abordent un autre point : Lova (lui aussi) est dans une nouvelle relation amoureuse. Sa mère nous précise qu’il rentre de plus en plus tard et qu’il dort parfois chez son frère. Aborder le sujet avec la famille permet d’envisager des actions de sensibilisation auprès du jeune bénéficiaire. Il s’agira de l’informer des risques liés à une sexualité non protégée, que ce soit en matière d’IST ou de grossesse non-désirée.


Les visites à domicile, un moyen de maintenir le lien avec l’enfant et sa famille
Les visites à domicile présentent des avantages à court et à long terme. D’abord, elles permettent de s’assurer que l’enfant est en bonne santé, ne fait pas l’objet de violences et n’emprunte pas un mauvais chemin. Elles permettent aussi de montrer à la famille que l’association assure un vrai suivi de l’enfant et pourra rapidement réagir pour le protéger en cas de problème.
Lorsque la famille reçoit de l’argent ou des produits de première nécessité de la part de l’association, il est également important de vérifier qu’ils sont utilisés à bon escient.
À plus long terme, ces visites régulières sont un bon moyen d’évaluer l’efficacité du processus de réinsertion sociale du bénéficiaire. Il s’agit aussi de garantir une vraie prise en charge sur la durée. C’est uniquement de cette manière que l’association peut consolider les acquis intégrés par l’enfant grâce à Grandir à Antsirabe.
Enfin, la famille est un facteur essentiel de développement psychique pour l’enfant. Une cellule familiale inadaptée à sa condition pourrait conduire l’enfant à retourner dans la rue. Il est donc fondamental de s’assurer qu’il évolue dans un environnement sain et capable de l’aider dans sa construction.
*Les noms des enfants ont été modifiés. Les photos ne correspondent pas.
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