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Manovosoa, dite « Mano », est coordinatrice de l’OSCAPE depuis bientôt 3 ans. Elle est devenue, au fur et à mesure, la figure du réseau auprès des associations membres, des partenaires et des acteurs publics. Découvrons cette « maman panda », pleine de sagesse et d’amour… Mais qui n’hésite pas à donner un coup de patte pour défendre son asso !
Bonjour Mano ! Peux-tu nous dire ce qu’est l’OSCAPE ? Depuis combien de temps y travailles-tu et quel a été ton parcours avant ?
L’OSCAPE, c’est la société civile qui regroupe les associations œuvrant pour l’enfance à Antsirabe. J’y travaille depuis octobre 2016. Je suis originaire d’Antananarive et je suis arrivée à Antsirabe en août 2016. J’avais 29 ans et ce poste à l’OSCAPE est mon tout premier.
A l’origine, j’ai un master dans la nutrition et l’alimentation mais je n’ai pas trouvé de travail dans ce domaine. Mais j’ai fait du bénévolat à Tana [ndlr : Antananarive], entre l’obtention de mon master et mon arrivée à Antsirabe. Au sein d’une association chrétienne, j’ai organisé plusieurs camps de vacances, j’ai été monitrice et mis en place des formations. J’ai acquis des compétences d’organisation et d’encadrement, c’est pour cela que j’ai postulé au poste de coordinatrice de l’OSCAPE, même si je n’ai pas le diplôme de travailleuse sociale.
Pourquoi as-tu choisi l’OSCAPE ? Qu’est ce qui t’a attiré dans le projet ?
Dans mes premières candidatures après mon master, si je ne rentrais pas exactement dans les critères du poste, je l’éliminais d’office. Quand j’ai vu l’offre de l’OSCAPE, j’ai changé ma manière de fonctionner. Je suis partie des compétences acquises durant mes expériences de bénévolat, j’ai checké avec celles requises pour le poste : « ça je l’ai », « ça je l’ai » … Et je suis arrivée à près de 90% de compatibilité, donc je me suis lancée ! Lors de l’entretien, j’étais beaucoup plus confiante que pour ceux que j’avais pu passer auparavant. Lorsque l’on m’a demandé ce que je voulais mettre en place pour l’OSCAPE, j’avais déjà plein d’idées, j’étais à l’aise pour les exposer et me projeter. En fait, je me sentais déjà appartenir à l’association !
Et ton travail te plaît, tu n’envisages pas de revenir vers ton domaine de formation ?
Oui, mon travail aujourd’hui me plaît ! En fait, en sortant de la fac, je voulais faire de la recherche. Et le travail se trouve principalement au sein des grosses entreprises agroalimentaires. Mais dans ce type de société, le travail est très routinier : le pointage à telle heure, le protocole auquel se plier… Le rythme à l’OSCAPE me semble beaucoup plus adapté à ma personnalité : je suis libre des décisions que je prends, des démarches à entreprendre, je peux être créative. J’ai le sentiment de pouvoir vraiment me développer. Et ici, à Antsirabe, c’est plus facile d’approcher les autorités qu’à Tana. Au début, j’étais très timide, je n’osais pas frapper aux portes. Aujourd’hui, je n’ai plus peur d’aller chez le préfet pour lui parler d’un projet ! J’ai réussi à tisser une vraie relation avec les autorités locales, c’est aussi pour cela que je ne veux pas quitter Antsirabe, je me sens soutenue.
Plus précisément, quelles sont tes principales missions ?
Quand j’ai pris le poste, j’étais un peu « passe-partout » ! Il n’y avait qu’un appui technique et moi. Je m’occupais de l’administration, de la comptabilité, des commissions, des activités, de la logistique, des relations publiques… Mais aujourd’hui, nous sommes 4 ! Les tâches sont réparties, cela me permet de me positionner davantage sur la représentation de l’OSCAPE, dans une mission de plaidoyer, auprès des acteurs locaux, mais aussi nationaux et internationaux. Pour le reste, Fanja s’occupe des activités et commissions ; Yann est sur la communication ; Margot touche aussi un peu à tout, mais surtout au développement du réseau et à la recherche de financements. Donc j’essaie de me poser davantage en tant que superviseur qui cordonne tous les pôles, plutôt que dans l’opérationnel. Sauf pour la comptabilité mais, à moyen/long terme, nous aimerions avoir quelqu’un pour l’administration et les finances.
Que préfères-tu dans ton poste ? Qu’est ce qui te semble le plus difficile ?
Ce que je préfère : tout ce qui touche à l’organisation, la mise en relation des associations, écouter leurs besoins et chercher à les satisfaire au maximum. Ce qui m’est plus difficile, c’est la comptabilité : je n’ai pas de formation dans ce domaine, je connais juste les entrées et sorties d’argent ! Or, c’est là-dessus que reposent toutes les activités, leurs budgets et les besoins en financement. Et cela me demande beaucoup de temps et d’énergie : par exemple, tous les 3 mois, je dois rencontrer le Conseil d’Administration et le Comité de Pilotage. C’est du temps que je ne peux pas investir dans mes autres missions.
Une ou des qualité(s) essentielle(s) à ton poste ?
Je dirais d’abord l’écoute et l’organisation. Il faut aussi avoir un certain leadership : il y a beaucoup d’associations, il faut parfois les laisser mener les réunions, mais parfois être un peu plus directif. Et un bon leader sait quelle attitude adopter à quel moment. Il aussi avoir le sens du travail d’équipe : les associations sont les forces vives du réseau. Si, dans ma position, je ne sais pas déléguer les tâches, cela devient ingérable !
Un souvenir ou une anecdote marquant(e) ?
Un jour, une jeune fille d’origine malgache et qui vit en France est venue en vacances à Antsirabe pour rendre visite à sa famille. Elle ne connaissait pas l’OSCAPE, elle avait juste vu que nous organisions « Sports pour tous ». Elle a lancé une levée de fonds en France, avant d’arriver : elle a récolté 635€ ! Et pendant sa semaine ici, elle est comme tombée amoureuse de l’OSCAPE, ainsi que ses parents ! Par la suite, leur association a lancé une nouvelle levée de fonds, qui a servi à financer le Noël de l’OSCAPE. Des initiatives comme celles-ci font vraiment chaud au cœur et donnent de l’espoir ! Et cela m’a appris quelque chose : avant, je ne voulais jamais organiser quelque chose si je n’avais pas l’argent nécessaire. Ici, j’ai appris que l’on peut déjà concevoir le projet et trouver l’argent dans un second temps : mutualiser les ressources, solliciter des financements, il y a toujours une solution. Si tu fais de l’argent ton blocage, tu ne fais rien !
Portrait chinois : si tu étais…
Un animal ?
Une maman panda, car elle est protectrice envers ses proches : à la fois douce avec ses petits et agressive s’ils sont menacés. Je ne suis pas agressive de nature mais j’aime protéger : mes amis et mes proches mais aussi, aujourd’hui, toutes les associations membres du réseau OSCAPE. Et si des choses ne vont pas et ont besoin d’être dites à voix haute, je n’hésite pas à le faire, même auprès de personnalités haut placées.
Une héroïne ?
Je l’ai cherché celui-là… Et tout simplement, je dirais mon père. Il est décédé mais je me retrouve dans tout ce qu’il a été : son courage, le fait de faire les choses avec amour et d’aider autrui.
Une chanson ?
« God will make a way », elle reflète ma vie et ma personnalité. On la chante souvent dans les associations chrétiennes. Elle signifie que, depuis ton enfance, Dieu construit ton chemin : donc s’il me dit de quitter Antsirabe du jour au lendemain pour aller à Tuléar, eh bien ce sera une nouvelle route pour moi !
Un film ?
« Fair Proof », c’est l’histoire d’un pompier chrétien. Il prend son travail très à cœur, il veut redonner de l’espoir à ceux qui ont vécu des évènements douloureux : c’est ce qui me touche dans ce film. Lorsque je parle aux gens, je cherche à le faire avec amour, à être bienveillante. [Comme une maman panda 😉] (rires) C’est ça, il y a une logique !
Un sport ?
J’ai fait du basket, j’aime bien ce sport et c’est une bonne métaphore de la vie. Dans les deux cas il y a des règles, pas pour te brider mais pour t’aider à avancer. Et au basket, parfois tu dois attaquer, mais parfois il faut rester en défense ; avec les gens, il faut parfois dire les choses tout haut ou rester silencieux, pour ne pas aggraver les choses. Et enfin, dans la vie comme au basket, quel que soit le poste occupé sur le terrain, tu restes toujours dans la même équipe.
Un objet ?
Un couteau suisse ! [Comme ton premier poste à l’OSCAPE ?] C’est ça ! Et même à la maison, je touche un peu à tout, je n’ai pas peur de bricoler pour trouver ce qui ne marche pas.
Une qualité/un défaut ?
En défaut, la maladresse, sans hésitation ! Pour la qualité, la souplesse, cela rejoint ce que j’ai dit auparavant. Dans le travail comme la vie personnelle, tu côtoies des gens différents de toi, auxquels il faut t’adapter. Tu peux aussi recevoir des critiques, parfois destructrices, mais il faut rester souple et ne pas s’emporter. Construire une relation, ça prend du temps ; la briser, tu peux le faire en 5 secondes ! Et en tant que coordinatrice d’un réseau de 28 associations, je dois garder tout le monde soudé ! [Comme au basket !] (rires) Exactement, encore une fois : il y a une logique !
Une devise, une citation ?
C’est une phrase de ma composition : « partager l’excellence, partager c’est un plaisir ». Quand je fais les choses, j’essaie toujours d’atteindre l’excellence : peu importe le résultat, l’important c’est d’essayer. Et « partager c’est un plaisir » car j’aime partager ce que j’ai et ce que je sais. J’ai aussi inventé un acronyme pour l’OSCAPE, c’est R.A.V.I.E : Respect, Amour, Vivacité, Intégrité et Engagement ! Et toute l’équipe le connaît !
Un péché mignon ?
Je dirais le saucisson, je crois que je pourrais en avaler un entier pour le déjeuner ! Et là, ça n’a plus rien à voir avec le basket (rires) !
Un talent caché ?
La décoration. A Tana, en parallèle de mon bénévolat, j’étais décoratrice pour des évènements, des mariages par exemple.
Ta plus grande fierté ?
Voir quelqu’un à qui j’ai rendu service réussir dans la vie. En particulier, des adolescents que j’ai encadrés et qui manquaient parfois de repères dans la vie, voire étaient sur le point de se suicider. Aujourd’hui, certains ont des postes assez importants et ont gardé les valeurs que je leur ai transmises : je suis fière d’avoir mis mon petit grain de sel.
Si tu pouvais être quelqu’un d’autre le temps d’une journée, qui aimerais-tu être ?
Jésus ! Avoir ses qualités ; pouvoir côtoyer tout le monde, un ministre comme un enfant de la rue ; être capable d’avoir cette passion du cœur pour les gens, savoir les prendre tels qu’ils sont ; ne pas se laisser atteindre par les critiques et les rendre positives… [Ce que tu as déjà l’air d’essayer de faire au maximum] Oui, mais ce n’est pas encore ça ! (rires) Lorsque quelqu’un me met vraiment hors de moi, parfois je m’emporte, j’ai envie de laisser tomber. C’est cette totale maitrise de soi à laquelle j’aimerais accéder, le temps d’une journée.
Un dernier mot ?
J’ai plein d’envies pour le futur, pour l’OSCAPE mais aussi en dehors, pour aider d’autres publics. Donc je vais les mener en parallèle. [Et tu peux nous en dire plus ou c’est secret ?!] Top secret, mais cela se met en place, tu verras bientôt !
Quel suspense, on a hâte de voir ça ! Merci Mano pour ce chouette moment de confidences !
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