Marion, bénévole pour Grandir Ailleurs, s’infiltre au sein des équipes de Grandir à Antsirabe pour nous raconter leur quotidien. Hier matin, c’est l’équipe de BiblioPousse qu’elle a accompagnée, l’une des trois Activités Jour menées par Grandir à Antsirabe.
« Jeudi matin, le ciel est un peu couvert, mais ça va : pas de quoi inquiéter l’atelier BiblioPousse. Et puis, à Antsirabe, les nuages s’enfuient aussi vite qu’ils sont arrivés !
Hanta, responsable de l’activité, a sorti le pousse-pousse flamboyant qui fait office de bibliothèque ambulante dans la cour. Elle range les livres à l’intérieur, par type : BD, revues pour enfants (« J’aime Lire », toute ma jeunesse !), petites histoires illustrées, livres d’images etc. Toky, nous rejoint avec un gros bidon jaune rempli d’eau : intrigant !
9h25, c’est le départ !
Aujourd’hui, nous sommes nombreux : Hanta, Claudine, Toky, Princia et moi, de Grandir à Antsirabe ; ainsi qu’une famille de 4 personnes en séjour avec Grandes Latitudes, qui participe à la sensibilisation sur les activités de l’association. Nous rejoignons le terrain vague situé juste à côté du CHT (Centre d’Hébergement Temporaire). Le BiblioPousse a lieu tous les jeudi matin, mais à différents endroits de la ville, chaque semaine : comme ça, pas de jaloux !
Et au fait, le BiblioPousse, c’est quoi ?
Il s’agit de l’une des trois Activités Jour organisées par Grandir à Antsirabe, auprès des enfants en situations de rue. Chaque activité a lieu 2h par semaine et se déplace sur les lieux de vie des enfants : le mardi après-midi pour DanseLaRue, le jeudi matin pour BiblioPousse et le vendredi soir pour CinéRue. Avec BiblioPousse, l’objectif premier est d’amener le livre à la rencontre de l’enfant, de le familiariser à l’objet et à l’activité de lecture. Mais, en creusant, on se rend compte que cela va un peu plus loin…
9h30, nous arrivons à l’emplacement habituel : les enfants le connaissent bien, ils sont déjà une bonne vingtaine à nous y attendre ! Nous déployons des bâches qui vont leur permettre de s’asseoir par terre sans se salir. Puis, Toky demande aux enfants de se mettre en file indienne : là encore, on sent la routine bien installée, la ligne se forme presque instantanément. Et c’est le moment pour le gros bidon jaune d’entrer en scène ! A l’aide d’une petite tasse, Princia y récupère de l’eau et la verse sur les mains des enfants afin qu’ils se les lavent avec du savon.
Il était une fois…
Une fois les mains toutes propres et nettes, les enfants s’assoient sur les bâches. Hanta et Claudine commencent par une sensibilisation sur le thème du mois : ce mois-ci, c’est l’amitié. Enfants et intervenantes échangent sur le sujet : qu’est-ce que l’amitié, qu’est-ce que représente un(e) ami(e) etc. Le débat est parfois passionné ! Chacun(e) peut s’exprimer, sous réserve de ne pas se couper la parole.
Ensuite… « 1, 2, 3 chttt » : silence ! C’est l’heure du conte. Telles deux actrices dramatiques, à grand renfort de gestes et d’intonations théâtrales, Hanta et Claudine captivent immédiatement leur auditoire. Elles invitent les enfants à participer en leur faisant mimer les personnages ou répéter les dialogues. L’activité sert également à travailler la mémoire et la capacité de synthèse : à la fin de l’histoire, les enfants partagent ce qu’ils en ont retenu.
Ils peuvent ensuite prendre un livre dans le BiblioPousse et s’installer sur la bâche pour le parcourir. Ils ne se font pas prier et il faut parfois calmer les ardeurs pour éviter un accident de livre déchiré ! La quasi-totalité des livres est en français, langue que peu d’enfants maîtrisent. Mais heureusement, les images permettent de suivre l’histoire ; et les adultes ne sont jamais bien loin pour expliquer, si besoin.
Après la lecture, les jeux !
Ce temps de lecture individuelle (ou en petits groupes) terminé, les enfants restituent les ouvrages et : tous en cercle, on finit par des petits jeux ! D’abord, un « killer » : l’ensemble du groupe reproduit des mouvements lancés par le « chef » ; le « détective », au centre du cercle, doit deviner qui est le chef. Au bout de la 3e proposition infructueuse, le détective doit danser, sous les acclamations de ses camarades ! Puis, nous enchaînons avec une « tomate » : toujours en cercle, il faut se courir après pour voler sa place à quelqu’un ; et une « bombe », qu’il faut passer le plus rapidement possible à son voisin. Gare à celui qui l’a encore en mains alors qu’elle explose ! Bref, après avoir stimulé l’intellect, ça fait du bien de se défouler un peu !
Vers 11h30, nous terminons le dernier jeu. Un petit rituel, comme pour le bonjour, permet à tout le monde de se dire aurevoir et de se donner rendez-vous la semaine prochaine, dans un autre lieu. C’est aussi l’occasion de rappeler à quel endroit a lieu le CinéRue du lendemain soir et d’inviter les enfants à s’y rendre.
Sensibiliser à la lecture… Mais pas que !
Nous rentrons à l’association, j’ai vraiment passé un très bon moment ! Une vraie relation s’est tissée entre les enfants et les intervenants de Grandir à Antsirabe, c’est évident : ils se connaissent et leurs échanges témoignent d’une confiance et d’un respect mutuel.
L’objectif premier de cette activité, je le disais plus haut, est de transmettre le plaisir de la lecture à des enfants pour qui, a priori, ce n’est pas une activité habituelle ; et de leur donner accès aux livres. C’est déjà un bel objectif ! Mais, au-delà, il s’agit également d’un prétexte pour créer un espace de rencontre et d’échanges avec les enfants, encadré par des rituels rassurants. Le rendez-vous hebdomadaire donne une régularité à l’activité. Et chaque séance se découpe et se déroule de la même manière : le lavage de mains, la lecture en groupe, la lecture individuelle, les jeux.
Le contenu même de certaines activités permet de sensibiliser les enfants à d’autres thèmes que la lecture : par exemple, l’hygiène, à travers le lavage des mains. Ou le respect : faire attention aux livres, écouter les membres du groupe lors des débats, ou les intervenantes pendant le conte.
Enfin, l’objectif du BiblioPousse, et des Activités Jour en général, est d’augmenter la visibilité de Grandir à Antsirabe. Auprès des enfants, d’abord ; et en particulier auprès des enfants de la rue, qui y vivent complètement et peuvent être intéressés par les services de l’association : le CHT ou l’Accompagnement Social, par exemple. Mais aussi auprès des riverains des différents quartiers d’intervention.
Dis, Hanta, c’est où le prochain BiblioPousse ?? »
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